Francis PICABIA (1879-1953)
Harmas, circa 1928
Technique mixte, aquarelle, gouache, crayon noir et lavis sur carton, signée en bas vers la droite
106 x 75,5 cm
Un certificat de Pierre Calté, pour le comité Picabia en date du 18 mars 2015, sera remis à l’acquéreur.
Provenance :
– acquis auprès de la galerie Théophile Briant au début des années 1930, puis par descendance.
Expositions :
– Francis Picabia, Galerie Th. BRIANT, Paris, 26 octobre au 15 novembre 1928, n° 37
– exposition Francis PICABIA trente ans de peinture, chez Léonce Rosenberg, Paris, 9 – 31 décembre 1930, n° 28.
Bibliographie :
– G. de P(awlowski), Une exposition Francis Picabia ( 32 rue de Berri), Le Journal 27 octobre 1928, p. 5
– W. A. Camfield, B. Calté, C. Clements, A. Pierre, Francis Picabia, Catalogue Raisonné, volume III, 1927-1939, Fonds Mercator, 2019, n° 1052, p. 188
Francis Picabia s’est sans cesse renouvelé depuis ses débuts au Salon des Artistes Français en 1899, sa période dite “impressionniste” prend fin en 1909, année où il épouse Gabrielle Buffet. Cette jeune musicienne d’avant-garde lui fait découvrir l’art moderne, Picabia cherche alors son propre langage et aborde la non-figuration.
En 1913, il expose à l’Armory Show à New York et séjourne presque six mois sur place. Il est profondément marqué par cette ville ; débute alors sa période « mécanomorphique ».
Après-guerre, Francis Picabia, séparé de son épouse, se rapproche avec Germaine Everling des dadaïstes. En 1928, il abandonne la “dérision de la peinture”, ce revirement correspond à l’entrée en scène d’une nouvelle compagne, Olga Mohler. L’artiste imagine les “transparences”, ces séduisantes superpositions d’images, souvent empruntées à la peinture ancienne.
Picabia expose Harmas à la Galerie Théophile Briant en 1928, sous le n° 37.
En 1929, à l’occasion d’une autre exposition de Picabia dans cette même galerie parisienne, le critique de cinéma Gaston Ravel, dans un article “exposition de peinture” qualifiera ces transparences de «sur-impressionnisme», en référence à la simultanéité d’images de films superposées.
Dès 1928, Léonce Rosenberg commande à Francis Picabia des “Transparences” pour décorer la chambre de son épouse dans son appartement du 75 rue de Longchamp à Paris. Ce célèbre marchand lui consacre une rétrospective “Trente ans de peinture” en décembre 1930, où figure Harmas sous le n°28. Dans la préface du catalogue, Francis Picabia confie :
« Mon esthétique actuelle provient de l’ennui que me cause le spectacle de tableaux qui m’apparaissent comme congelés en surface immobile, loin des choses humaines.
Cette troisième dimension, non faite de lumière et d’ombre, ces transparences avec leurs coins d’oubliettes me permettent de m’exprimer à la ressemblance de mes volontés intérieures. Lorsque je pose la première pierre, elle se trouve sous mon tableau et non dessus. Les moyens d’activité moderne barbarisent. Moi, je veux une expression plus grandiose, avec une sûreté de main et une bravoure implacables, sans la crainte de s’attaquer soi-même. Je veux un tableau où tous mes instincts puissent se donner libre cours».
Et Léonce Rosenberg de lui répondre : “vous avez, en associant le visible à l’invisible meublé l’espace et, par un jeu ordonné de formes contrastées et rythmées, créé un dynamisme grâce auquel votre oeuvre, devenue ainsi mobile, peut désormais accompagner la marche du temps.”
Dans ses “transparences”, Francis Picabia superpose différentes images, issues le plus souvent de références à l’histoire de l’Art, à ses propres créations.
Dans l’oeuvre que nous présentons ici, ce sont deux oeuvres de Sandro Botticelli, un Portrait de jeune homme conservé à la National Gallery de Londres et les mains du Jeune homme tenant une médaille conservé à la Galerie des Offices de Florence, auxquelles se superposent feuilles, lianes, arabesques et signes noirs isolés. Au centre de la feuille, une tête de chat aux yeux verts se révèle à l’observateur attentif.
Picabia associe aux oeuvres de cette période des titres souvent énigmatiques. L’Harma est une espèce de papillon. Harmas signifie aussi, en provençal, une étendue caillouteuse et stérile laissée à l’abandon et c’est ainsi que l’entomologiste Jean-Henri Fabre (1823-1915) nomme la propriété qu’il acquiert en Provence en 1879. Cette propriété et son jardin appartiennent au Museum national d’histoire naturelle depuis 1922.
Acquise au début des années 1930 auprès de Théophile Briant par la famille de l’actuel propriétaire, cette oeuvre est restée à l’abri des regards depuis l’exposition “Francis Picabia Trente ans de peinture” chez Léonce Rosenberg en 1930.